jeudi 23 janvier 2014

Le triangle d'or : la tribu des Lahu

Les peuples du Triangle d'Or


Un peu d'histoire et de culture ça ne fait pas de mal ! Pour les passionnés d'anthropologie et d’ethnologie vous trouverez ici quelques éléments qui pourrons éventuellement vous intéresser. Ayant passé deux semaines dans le Triangle d'Or, il fallait bien que je vous en dise un peu plus.

Triangle d'Or kesako ? 


Le Triangle d'Or est le nom d'une région montagneuse d'Asie du Sud-Est se situant entre le Laos, la Birmanie et la Thaïlande. Bon c'est vrai tout de suite on pense à l'opium qui effectivement y coule à flot (la Birmanie étant le second producteur mondial en matière d'opium, juste derrière l'Afghanistan). Ceci étant dit, nous ne sommes pas là pour s'étaler sur ce sujet qui, pour moi, est complètement secondaire. Je voudrais plutôt vous présenter la tribu Lahu.

Aujourd'hui, le gouvernement thaïlandais reconnaît six groupes de tribus montagnardes (chao khao, littéralement "peuple de montagne"). On peut donc trouver ici des KAREN (Kariang , Yang), des HMONG (Meo), des MIEN (Yao), des LAHU (Mussur), des AKHA (Kaw) et des LISU (Lisaw). Chacune de ces six tribus a sa propre langue, ces propres vêtements, sa propre religion et son propre contexte historique.

Le nord de la Thaïlande, avec ses collines boisées et ses vallées fertiles est un véritable plaisir pour les yeux. Dans le pik up nous amenant au village, l'expression "en prendre plein la vue" a pris tout son sens. Les zones de plaine ont pour certaines plus de huit siècles et ont déjà été revendiquées par le peuple Lanna ou Yuan. Les pentes des montagnes sont occupées par des peuplades tribales qui ont convergées dans ce domaine par le nord, au nord-est, à l'ouest et au nord-ouest. Ils sont maintenant sédentarisés et gagnent leur vie de façon assez précaire dans les montagnes.


Ces peuples, qui occupent actuellement la région du Triangle d'Or sont venus du sud-ouest et sud de la Chine centrale. A l'exception des Karen, un grand nombre y vivent encore. Tous, sauf les Karen, conservent leurs contacts historiques avec les Chinois .

Les Lahu, Akha et Lisu ont des racines linguistiques communes dans le Yi (Lolo) sous division de la famille tibéto-birmane des langues. Les Lahu et Akha ont migrés en Chine, en Birmanie de l'est et dans le nord de la Thaïlande. Seuls les segments mineurs de ces trois tribus vivent en Thaïlande. Beaucoup d'entre eux vivent encore en Chine et en Birmanie.

Carte des migrations des tribus du Triangle d'Or (désolé pour la qualité médiocre de cette photo mais elle est tirée d'un livre provenant de la bibliothèque du village Lahu).

Les Lahu

Ce groupe tribal se nomme lui même « Lahu » (la première syllabe prononcée sur un ton haut, la seconde sur un ton bas) . Le Tai se réfère à eux comme le « Mussur » (Museur) qui vient de Birmanie via Shan et signifie « chasseur ».

Les Lahu sont liés à un profond désir de bénédiction, c'est d'ailleurs un thème dominant au sein de leur culture. Dans leurs nombreux rites et cérémonies, les Lahu prient beaucoup pour : la santé, la richesse, la liberté, avoir de nombreux enfants et de nombreux animaux ou encore la stabilité de leur village etc... Leur société est structurée par les prières afin qu'ils reçoivent une bénédiction dans leur vie personnelle et familiale.


Quand une femme fait un mauvais rêve ou que quelqu'un est malade, des danses sont organisées autour d'un feu sur une place prévue à cet effet. La voici de jour.






Les femmes ayant fait appel aux autres villageois marchent devant et les hommes jouent de la musique derrière elles, avec un drôle d'instrument. Ils pratiquent une danse avec un rythme très particulier. Ils tapent très fort sur le sol avec leurs pieds. C'est très envoûtant !




Nous avons pu assister à ces rituels. Ce jour là, ils avaient remplacé le feu par de simple bougies. Au début tout le monde observait, puis rapidement de nombreux danseurs "farangs" sont arrivés. Il faut le dire nous n'avons pas du tout le même notion du rythme et franchement ce n'est pas simple du tout.


Les Lahu croient beaucoup aux esprits. "Il ne faut pas leur déplaire" m'expliquait Jaku. Nous avions donc devant notre porte de chambre une sorte d'amulette ou ornement qui "interdisait" aux esprits de rentrer dans les huttes. Ceux-ci étaient présent sur toutes les portes du village.

Les Lahu se font appeler « enfants de bénédiction ». Dans ce village il y avait deux Chamans. Cela posait un peu problème (puisqu'il se faisait de la concurrence) mais ils font partis intégrante de la hiérarchie Lahu. Ce sont un peu les sages du village, ils acquièrent ce statut par le lien du sang qui se transmet donc de père en fils depuis des générations. Personne ne remet en cause leurs statuts puisqu'ils sont les seuls à pouvoir communiquer avec leurs ancêtres. Ils ont une connaissance des plantes impressionnante (les entreprises pharmaceutique n'ont qu'à bien se tenir). 

Au sein du village où j'étais on pouvait quand même constater l'emprunte théologique du Bouddhisme et du Christianisme : un temple (principalement utilisé pour la méditation des élèves prenant des cours de massage Thaï) et une église (qui d'après Jaku attirait seulement deux ou trois famille maximum).

Lahu : origine et fonctionnement du village


Les premiers documents connus concernant les Lahu ont été localisés dans le sud-ouest de la Chine. Les Lahu ont, par la suite, migrés vers le sud durant de nombreuses générations. En 1840 les Lahu avaient des villages dans l'État de Kengtung (Birmanie), et au début des années 1880 certains vivaient dans la région de Fang au Nord de la Thaïlande près de la frontière birmane. A l'heure actuelle environ 85 % des Lahu vivant en Thaïlande se trouvent dans les provinces de Chiang Mai et Chiang Rai en nombre presque égal.

Le bambou est l'un des principaux matériaux de construction des villages Lahu. C'est la base de tout. Il faut dire que les bambous poussent en abondance dans la jungle et surtout ça pousse vite. Lors d'une courte ballade j'en ai vu énormément.

Les huttes Lahu sont assez identiques à l'intérieur. Une natte au sol avec un foyer au milieu. Le feu est très important dans leur culture et n'est quasiment jamais éteint. Par contre pas de système de cheminée donc les murs et le plafond sont tout noir. Ils mettent une grille au dessus pour faire sécher du maïs et d'autres éléments de leur cuisine.

Voilà comment sont fabriquées les huttes. Une sorte de tissage de bambou mais bien solide.











Par contre pas d'intimité dans le village, j'avais l'impression de vivre constamment avec les autres huttes qui m’entouraient. Le pauvre Claudio (un assistant d'André notre enseignant) en a fait les frais lorsque nous rigolions comme des baleines avec Katrin. Bon il faut dire qu'entendre la reproduction de cochon en direct sous notre hutte c'était quand même quelque chose !


Ce qui est assez marrant dans ce village c'est que les cochons étaient traités comme des chiens. Ils vivaient en liberté et revenaient sous leur hutte pour manger matin, midi et soir. Ils avaient les restes et connaissent bien leur maison. Et oui c'est intelligent un cochon, quand on voit comment vivent les animaux ici, on devrait en prendre de la graine !



Ah oui j'allais oublier le réveil avec les coqs et les chiens ! Pourtant comment oublier !
Les bagarres de chien en pleine nuit, ça faisait aussi parti du folklore.










C'était sans compter sur la mélodie de Mary Poppins diffusée dans tout le village, toutes les heures. Le fils d'Asokananda (fondateur de l'école Sunshine dans le village Lahu) nous a fourni quelques explications. Une fois que cette mélodie est diffusée on entend quelqu'un parler en Laho (dialecte local). Au début je ne comprenais pas bien pourquoi. Il nous a expliqué que couper des arbres était interdit pour eux vu qu'il s'agit d'un parc national protégé (en réalité c'est surtout pour les garder pour ces p***** d'entreprises capitalistes de déforestation de masse). Quand la police arrive dans les montagnes les Lahu se trouvant dans la jungle peuvent être prévenus grâce au haut parleur et s'en aller pour ne pas payer d'amende ou aller en prison (valable aussi pour ceux qui cultivent l'opium). Il s'agissait donc d'une sorte d'alerte rouge pour eux, et vu qu'il ne s'agit pas de la même langue, les Thaïlandais ne comprennent rien à ce qui se dit.



Comme je le mentionnais un peu plus haut. Le feu est omniprésent dans la culture Lahu. Quand quelqu'un décède, ils vont le faire brûler dans la jungle afin que son âme repose en paix. 

Bon le seul problème c'est qu'à cause des interdictions de couper des arbres (pourtant ils le font avec respect et parcimonie) les Lahu vont acheter du bois traité et je vous assure que ça n'a pas la même odeur...

Il y a aussi un problème majeur avec l'occidentalisation de ces tribus : le plastique ! Il n'y a pas vraiment de gestion des déchets alors ils brûlent tout, même les sacs plastiques. Et alors là, c'est une odeur nauséabonde à vous donner un sacré mal de tête !

Les gens du villages ont été adorables même si il n'était pas évident de se positionner puisque, que nous le voulions ou non, nous étions des touristes. L'avantage c'est que la relation avec ce village est basée sur un échange de bon procédé. L'école de massage apporte des modifications majeures dans le village (eau courante, électricité, machines à laver...) et paye les Lahu pour les chambres dont nous bénéficions.



Les gens du village ont donc développés une véritable économie autour de cette école de massage puisque nous étions les seuls farangs à vivre avec eux. Mon avis personnel est quelque peu mitigé quand au réel bénéfice de cette "évolution" mais bon comme le dit la sagesse populaire "on arrête pas le progrès" (si toutefois on le voit comme un progrès, bref, nous ne sommes pas là pour polémiquer).








Des petits bouts de choux à croquer avec des sourires ravageur !














Les parents occidentaux n'ont qu'à bien se tenir. Ici dès le plus jeune âge on apprend à manier la machette !










Il y avait énormément d'enfants dans ce village. J'ai même pu apprendre quelques jeux Lahu (un peu similaire à notre "trois petits chats" et "dansons la farandole"). Mon syndrome de Peter Pan et moi, nous étions ravis, retour en enfance ! "J'ai dix ans, ça fait bientôt quinze ans que j'ai dix ans"...



Les enfants doivent descendre et rejoindre un car pour aller à l'école. Ils sont donc pour la plupart scolarisés et apprennent le Thaïlandais voir un peu d'anglais. 



















Les Lahu vivent en autarcie mais font quand même appel aux services et produits que procure la ville la plus proche à savoir Chiang Mai. Ils vivent avec le soleil, se lèvent très tôt et se couchent tôt. Le soir les hommes s'entraînent ardemment à jouer de la mandoline. J'ai encore l'air dans la tête !

La journée, les femmes s’attellent aux tâches ménagères et à la cuisine. Beaucoup d'entre elles sont dans la confection de vêtements. Elles vont ensuite les vendre en contrebas de la montagne.  








Quant aux hommes ils fabriquent d'autres huttes, vont chercher du bois dans la jungle et s'occupent de travaux en tout genre. Les pères de familles s'occupent beaucoup de leurs enfants. J'ai croisé à de nombreuse reprise des pères avec leur bébé dans les bras.






L'organisation sociale des Lahu est assez harmonieuse et ils s’accommodent de peu de chose. Ils sont détachés des biens matériels et sont majoritairement animistes. Forcément l'occidentalisation se fait ressentir, surtout chez les enfants mais ils gardent tout même beaucoup de leur culture.


Durant ces deux semaines nous avons goûté des mets délicieux. La base étant le riz. Beaucoup de salades, de potiron, de bananes, de noix de coco, de papayes, des épices à ne plus savoir qu'en faire et et et du thé au gingembre ! Bon allez je vous l'avoue, j'en avais un peu ma claque du tofu à la fin. Mais c'était le jeu ! Je ne vous dis pas quand il y avait des œufs, c'était jour de fête !

Au moins j'ai directement été plongée dans le bain. Mon corps a eu un peu de mal à s’habituer au piment mais bon après j'en raffolais. J'en prenais dès le matin.

Je finis cet article par mes chouchous, regardez-les comme ils sont beaux ! Rho, ils me font craquer. Bon, je balance l’anecdote, je me suis retrouvée littéralement "cul nu" dans le village. Un petit monstre m'a gentillement baissé mon pantalon !






J'espère que vous ne vous serez pas endormi avant la fin de cet article. Pourtant il y a tellement de chose à dire encore, j'ai essayé de condenser un maximum ! En espérant que votre soif de savoir a été étanché.

Davijjo Djadjama qui une fois traduit signifie "salut gros vagin" (existe aussi pour les hommes mais je ne m'en rappel plus). C'est leur façon à eux de dire bonjour :-)

Tendresse et chocolat,

Tifoune

3 commentaires:

  1. Super ma tite Tifoune, j'adore ton article ainsi que ta plume, continue comme ça, ça me donne encore plus envie d'y aller!! Take care my friend, see you later.. ;)

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  2. Salut comment est ce que tu as fais pour aller la bas? Un trek? Au départ de quelle ville? Merci :)

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  3. Bonjour ! J'y suis allée avec l'école de massage : THE SUNSHINE NETWORK Lahu village meeting point 149 Kaew Nawarat Road, Soi 4. Chiang Mai 50000 Thailand. Bon voyage :)

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